- EAN13
- 9782359251746
- Éditeur
- Empêcheurs de penser rond
- Date de publication
- 09/01/2020
- Collection
- Les empêcheurs de penser en rond
- Langue
- français
- Fiches UNIMARC
- S'identifier
Réactiver le sens commun
Lecture de Whitehead en temps de débâcle
Isabelle Stengers
Empêcheurs de penser rond
Les empêcheurs de penser en rond
Autre version disponible
Opposer les scientifiques à un " public prêt à croire n'importe quoi " – et
qu'il faut maintenir à distance – est un désastre politique. " Ceux qui savent
" deviennent les bergers d'un troupeau tenu pour foncièrement irrationnel.
Aujourd'hui, une partie du troupeau semble avoir bel et bien perdu le sens
commun, mais n'est-ce pas parce qu'il a été humilié, poussé à faire cause
commune avec ce qui affole leurs bergers ? Quant aux autres, indociles et
rebelles, qui s'activent à faire germer d'autres mondes possibles, ils sont
traités en ennemis.
Si la science est une " aventure " – selon la formule du philosophe Whitehead
–, ce désastre est aussi scientifique car les scientifiques ont besoin d'un
milieu qui rumine (" oui... mais quand même ") ou résiste et objecte. Quand le
sens commun devient l'ennemi, c'est le monde qui s'appauvrit, c'est
l'imagination qui disparaît. Là pourrait être le rôle de la philosophie :
souder le sens commun à l'imagination, le réactiver, civiliser une science qui
confond ses réussites avec l'accomplissement du destin humain.
Depuis Whitehead le monde a changé, la débâcle a succédé au déclin qui, selon
lui, caractérisait " notre " civilisation. Il faut apprendre à vivre sans la
sécurité de nos démonstrations, consentir à un monde devenu problématique, où
aucune autorité n'a le pouvoir d'arbitrer, mais où il s'agit d'apprendre à
faire sens en commun.
qu'il faut maintenir à distance – est un désastre politique. " Ceux qui savent
" deviennent les bergers d'un troupeau tenu pour foncièrement irrationnel.
Aujourd'hui, une partie du troupeau semble avoir bel et bien perdu le sens
commun, mais n'est-ce pas parce qu'il a été humilié, poussé à faire cause
commune avec ce qui affole leurs bergers ? Quant aux autres, indociles et
rebelles, qui s'activent à faire germer d'autres mondes possibles, ils sont
traités en ennemis.
Si la science est une " aventure " – selon la formule du philosophe Whitehead
–, ce désastre est aussi scientifique car les scientifiques ont besoin d'un
milieu qui rumine (" oui... mais quand même ") ou résiste et objecte. Quand le
sens commun devient l'ennemi, c'est le monde qui s'appauvrit, c'est
l'imagination qui disparaît. Là pourrait être le rôle de la philosophie :
souder le sens commun à l'imagination, le réactiver, civiliser une science qui
confond ses réussites avec l'accomplissement du destin humain.
Depuis Whitehead le monde a changé, la débâcle a succédé au déclin qui, selon
lui, caractérisait " notre " civilisation. Il faut apprendre à vivre sans la
sécurité de nos démonstrations, consentir à un monde devenu problématique, où
aucune autorité n'a le pouvoir d'arbitrer, mais où il s'agit d'apprendre à
faire sens en commun.
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