Conseils de lecture
ELOISE
"L'usage du thé, une histoire sensible du bout du monde" de Lucie Azema paru aux éditions Flammarion
De la cérémonie du gong fu cha à l'afternoon tea , du matcha moulu au thé servi avec du beurre ou du lait dans les steppes d'Asie centrale, emboîtez le pas de Lucie Azéma pour découvrir les innombrables pratiques du thé. Passionnant voyage qui nous emmène des maisons de thé des routes de la soie aux samovars fumants du transsibérien, L'Usage du thé fait ainsi la part belle aux ustensiles (les kulhads indiens, les théières à mémoire chinoises), aux lieux de consommation (malls de Shangaï, chaguan chinois) ou encore aux sens et aux émotions (ah, "l'esthétique sonore liée à l'écoulement de l'eau du thé" dans la pratique japonaise...) Enfin, cerise sur le gâteau , ou plutôt cosy sur la théière , le livre lui-même est un objet fort élégant...
JULIE
"Sontag" de Benjamin Moser traduit aux éditions Bourgois par Cécile Roche.
Décédée en 2004, Susan Sontag était une « star » comme seule l’Amérique sait en produire. Et il faut reconnaître qu’elle était plus célèbre pour son image que pour ses écrits. Cela s’explique par une lecture souvent ardue de ses essais et par son positionnement et son érudition transversale entre art, sexualité, politique et culture.
Cette femme ancrée dans la réalité des causes pour lesquelles elle s’était engagée était également plus reconnue pour ses essais que pour ses romans.
Ils reparaissent pour accompagner cette très belle biographie (avec cahiers photos), prix Pulitzer 2020.
"Devant la douleur des autres", "La maladie comme métaphore" et "Le Sida et ses métaphores".
Sans oublier l’essentiel "Sur la photographie" (ensemble de six essais écrits de 1973 à 1977).
À l'est des rêves
Réponses even aux crises systémiques
De Nastassja Martin
Empêcheurs de penser en rond
JULIE
"A l'Est des rêves, réponses Even aux crises systémiques" de Nastassja Martin aux éditions La Découverte
Depuis plus de quinze ans l'anthropologue Nastassja Martin arpente les terres du Grand Nord.
Découverte par le grand public en 2019 avec "Croire aux fauves" elle avait, en 2016 dans "Les âmes sauvages", choisi l'Alaska et le peuple Gwich'in pour déjà nous raconter les désastres écologiques et culturels, pendants inévitables de notre modernité.
Dans "A l'Est des rêves" elle traverse le détroit de Béring pour passer du côté russe à la recherche de collectifs autochtones qui auraient fait le choix de repartir en forêt après l'effondrement du système soviétique. C'est au Kamtchatka qu'elle va rencontrer la famille de Daria, originaire du peuple nomade Even, et comment leur retour à une vie de chasse et de cueillette permet à nouveau un lien à la nature basé sur l'animisme et une attention permanente aux changements de notre environnement. On retrouve ses questions sur la place de chacun dans ce monde qui s'effondre et, avec cette lecture passionnante, c'est la certitude que les peuples autochtones ne sont pas seulement des victimes mais également des acteurs à écouter pour des voies nouvelles.
DAMIEN
« Sangliers, géographies d’un animal politique » de Raphaël Mathevet et Roméo Bondon paru aux éditions Actes Sud dans la collection Mondes Sauvages
A travers ce livre, Raphaël Mathevet et Roméo Bondon cherchent à nous alerter sur ce que les sangliers peuvent nous apprendre. Pour cela, ils partagent leurs expériences ainsi que celles des personnes qu'ils ont pu rencontrer et tentent de se mettre à la hauteur de ce libre animal, qui fait fi des contraintes que l'être humain s'efforce de lui imposer. A leur façon, ils nous invitent à nous questionner sur notre relation à cette espèce tantôt sauvage, tantôt liminaire et à sortir du discours cynégétique dominant.
Eloïse
« Françoise Héritier, le goût des autres » par Laure Adler paru aux éditions Albin Michel
Amie de longue date de Françoise Héritier, Laure Adler livre un très beau portrait de l'anthropologue, de son enfance modelée par des origines paysannes jusqu'à la fin de sa vie en 2017.
S'appuyant sur le Fonds Françoise Héritier déposé aux Archives nationales, et sur ses propres souvenirs, Laure Adler retrace le parcours brillant de la jeune Françoise : le séminaire de Claude Levi-Strauss à la Sorbonne, les études en Histoire délaissées au profit de l'anthropologie, le premier "terrain" avec son époux en Afrique en 1957... D'abord très proche du structuralisme de Levi-Strauss, la réflexion de Françoise Héritier va peu à peu s'en écarter, délaissant les fonctions symboliques des organisations humaines pour mettre le corps au centre de son travail. Son travail sur les systèmes de parenté et ses théories sur les différences des sexes lui valent dans les années 1980 la reconnaissance et les honneurs académiques : nommée directrice d'études de l'EHESS en 1980, elle succède à Claude Levi-Strauss en 1982 au Collège de France.
Mais surtout, le plaisir que l'on prend à découvrir Françoise Héritier vient aussi de la découvrir dans son intimité : femme fidèle en amitié, sa joie de vivre lui permit de supporter en toute discrétion les longues années de souffrance causées par une maladie auto-immune.
Souhaitons que le beau livre de Laure Adler remette en lumière les travaux de Françoise Héritier !