Svastika

Junichirô Tanizaki

Folio

  • Conseillé par
    4 décembre 2020

    Bourgeoise oisive, Sonoko s’ennuie dans sa belle maison, au côté d’un mari vaguement avocat. Pour s’occuper, elle décide de se mettre à la peinture et se rend tous les jours dans une école d’arts où elle fait la connaissance de la belle Mitsuko. Très vite, elle se prend de passion pour cette jeune célibataire mystérieuse et ensorcelante. Une passion partagée vue d’un mauvais œil par son mari soucieux de sa réputation et de son mariage. Mais Sonoko se moque de ses conseils, de ses remontrances, de ses menaces et de ses ultimatums. Sonoko aime et fait fi des convenances. Pourtant, Mitsuko est peut-être moins amoureuse qu’elle n’en a l’air. Très vite, elle apparaît comme menteuse et manipulatrice. N’a-t-elle pas caché qu’elle était fiancée ? L’homme a qui elle est liée, un certain Watanuki a, lui aussi, bien des secrets et bien des tours dans son sac. Quand Sonoko veut se détacher de sa maîtresse, il est déjà trop tard, la passion dévorante a pris le dessus. Incapable de couper les ponts, elle entraîne son mari dans une histoire à trois, menée de main de maître par une Mitsuko plus dissimulatrice et manipulatrice que jamais.

    Amour et passion pour un roman où la perversion se dispute à la folie. Écrit dans les années 20, Svastika étonne par sa modernité de ton et de sujet. Écrire l’amour entre femmes devait être scandaleux à l’époque. Raconter les complaisances d’un mari, les manipulations d’une jeune fille et les machinations d’un maître-chanteur devaient l’être tout autant. Un siècle plus tard, on n’est plus choqués par les liens qui unissent Sonoko et Mitsuko, mais il n’en reste pas moins un sentiment de malaise à la lecture de ce récit. Ces quatre êtres entraînés dans la folie, le masochisme, la perversité, bref dans une relation toxique et périlleuse, donnent à réfléchir sur la passion quand elle est portée à son paroxysme.
    Long monologue de Sonoko qui raconte les faits sans faux-semblants à un ami écrivain, Svastika frappe par sa crudité mais aussi sa poésie. Ces confidences, cette vérité toute nue, parle d’une relation destructrice mais laisse aussi affleurer la tendresse que Sonoko ressent toujours pour une femme qui lui a fait vivre l’enfer mais, et elle ne l’oublie pas, lui a fait connaître l’intensité de la passion.
    Une curiosité à lire pour se laisser entraîner dans ce tourbillon amoureux avec ces quatre personnages, tantôt pitoyables, tantôt haïssables.