Le rêve du Celte

Mario Vargas Llosa

Gallimard

  • Conseillé par
    2 novembre 2011

    Apocalypse colonisation !

    C’est l’histoire de Roger Casement.
    Roger Casement est né en Irlande à Dublin dans une famille protestante.
    Roger Casement vient en Afrique pour la première fois en 1883,
    à l’âge de 19 ans. Il y rencontre Henry Morton Stanley, explorateur britannique (celui qui partit à la recherche de David Livingstone) et Joseph Conrad, le célèbre auteur de «Au coeur des ténèbres» (terrible roman qui relate les aventures d’un explorateur en Afrique).
    Les passages du livre qui relatent ces deux rencontres (presque mythiques !) sont (presque !) fabuleuses !
    Nommé consul britannique au Congo, propriété de Léopold II (roi de Belgique), il dénonce les atrocités commises par les agents du roi sur la population locale .
    Roger Casement est aussi un nationaliste révolutionnaire irlandais.
    Il est membre des «Irish Volunteers».


    Accusé de haute trahison, sabotage et espionnage contre la couronne britannique, Casement est déféré devant un Conseil de guerre puis pendu à Londres en 1916.
    Bien sûr, Roger Casement reste encore aujourd’hui un «personnage» controversé : par exemple, on pourra lui reprocher, en pleine guerre mondiale, sa tentative avortée d’alliance avec l’Allemagne du Kaiser contre l’Angleterre; il souhaitait se faire armer par l’ennemi, attendait une invasion allemande sur les côtes irlandaises. Pour l’indépendance de l’Irlande ! Ou bien son abusive consommation homosexuelle
    de jeunes gens dans des endroits plus que louches !
    Mais ce que je retiendrais de ce roman époustouflant c’est la description hallucinante de la colonisation.
    «Stanley et ses accompagnateurs devaient expliquer à ces chefs de tribu à moitié nus, tatoués et emplumés, le visage et les bras parfois traversés d’épines et le sexe protégé par un tube de roseau, les intentions bienveillantes des Européens : ils viendraient les aider à améliorer leurs conditions de vie, les éduquer et leur ouvrir les yeux sur les vérités de ce monde...»
    Au fil des pages, au fil de sa vie, Roger Casement va prendre (reprendre ?) conscience et faire exploser en éclats sa Sainte Trinité personnelle des trois C : christianisme, civilisation et commerce.
    Au fil des pages, (au fil de sa vie ?) Vargas Llosa va nous faire exploser en pleine lecture les atrocités commises au nom de la sainte civilisation occidentale.
    Avec une puissance romanesque époustouflante, Mario Vargas Llosa nous raconte la sanglante saga du colonialisme.
    Après le Limonov de Carrère, voici, dans un autre genre, le Casement de Vargas Llosa : deux héros aventureux (malgré eux ?), deux destins hors du commun. Deux «personnages» homériques ! Deux romans magnifiques ! Deux styles éclatants !
    Et pour enfoncer le clou (au nom de Dieu justement !) dans cette Afrique massacrée, citons deux grands écrivains amis de Casement lui-même. Sir Arthur Conan Doyle, «L'exploitation du Congo fut le plus grand crime contre l'humanité jamais commis dans l'histoire de l'humanité» et Joseph Conrad « La colonisation du Congo fût la plus infâme ruée sur un butin ayant jamais défiguré l'histoire de la conscience humaine ».
    Un roman à la Dumas, qui a du souffle. A couper le souffle sans jamais s’essouffler !