Chat sauvage en chute libre

Mudrooroo

Asphalte

  • Conseillé par
    25 mai 2010

    Personnage sans nom.

    Personnage sans nom.
    Auteur est né en 1938, Colin Johnson de son vrai nom, ce livre datant de 1965 est son premier roman.
    Il entre dans un orphelinat catholique à l'âge de six ans et en sort à seize. Il est un des premiers auteurs d'origine aborigène de la littérature australienne pour ne pas dire le premier. L'auteur prend d'entrée le parti de ne pas nommer le personnage principal, qui restera « Je »
    L'histoire commence à la sortie de prison du narrateur. Durant son séjour derrière les barreaux, ce jeune métis révolté connaîtra l'isolement et les brimades. Il revient sur son enfance, père blanc décédé, mère aborigène et les problèmes que cela comporte, en particulier une grande solitude et un rejet des deux communautés.

    A la suite d'un vol, il est envoyé à neuf ans dans un institut spécialisé, d'où il essayera de s'enfuir, sans grand succès.
    La sortie de prison est aussi une épreuve, et une remise en cause de sa vie et de son avenir. Sur une plage il rencontre June, jeune et belle étudiante, qui l'invite à l'université le lendemain. Il peut aussi retrouver son ancienne bande, il s'y essaie, boit et passe la nuit avec Denise. Mais au matin, le vide et la gueule de bois sont ses premières impressions de la liberté.
    Le personnage principal, métis de père blanc, ignoré par les uns et les autres. Pas assez blanc pour les uns, trop blanc pour les autres, mis à l'écart par les étudiants et les blousons noirs de l'époque. Un coté petit dur, agaçant dans son rôle un peu surfait de voyou désabusé, ne croyant plus en rien. L'aspect rebelle à tout prix ne m'a jamais inspiré, le fait de poser ses pieds sur une banquette et de fumer dans un endroit où c'est défendu n'a jamais fait avancer une cause quelconque. Sa mère voudrait vivre avec les blancs, comme les blancs, mais son mariage n'est pas une raison suffisante pour cela, pas plus que l'estime que leur porte Monsieur Willy, vieil homme blanc. Elle est par contre très dédaigneuse avec certains des autres enfants des environs venant des tribus noongars, qu'elle accuse de tous les vices, pratiquant ainsi une sorte de racisme envers cette minorité ethnique.
    Denise, copine de nuits fortement alcoolisées, June, étudiante en psychologie, Dorian, peintre prétentieux, Jeff, ami d'enfance et un vieil oncle aborigène sont des personnages qui passent rapidement dans ce récit.
    Un livre très intéressant, car en plus de parler de la sortie de prison d'un homme qui est un genre littéraire assez courant, Brendan Behan pour appartenance à l'I.R.A. ou les américains Ed Buncker ou Chester Himes, l'autre attrait de ce récit est la place des aborigènes dans la société australienne, et leur longue exclusion. C'est à mon goût l'aspect le plus important de ce livre, car il présente une réflexion sur la société australienne dans les années 1960 avant que certaines lois en faveur des aborigènes fassent changer un peu les choses et redonnent une certaine fierté aux premiers habitants de ce vaste pays.
    Une préface de Tom Thompson et une postface de Stephen Mueke sont très utiles pour situer l'importance de ce livre dans l'histoire de la littérature australienne. Dans cet ouvrage, l'ordre chronologique est très aléatoire, ce qui rend la lecture un peu ardue.
    Plusieurs choses à remarquer, une « Playliste » musicale avant la quatrième de couverture, car la musique est très présente d'Elvis Presley à Nina Simone. Le narrateur à sa sortie de prison achète « En attendant Godot » de Samuel Beckett dont il cite parfois des dialogues.
    Le problème de la littérature militante est que le monde change, et la question est de savoir quelle est l'impact de ce livre plus de quarante ans après? Un récit qui ressemble à un documentaire un peu daté, même si à l’époque il a sûrement contribué à faire bouger les choses.