L'Annonce, roman

Marie-Hélène Lafon

Buchet-Chastel

  • Conseillé par
    7 janvier 2011

    Dès les premières pages, j’ai été happée …Il y a quelque chose de magnétique qui se dégage de ce livre. Annette en quittant Bailleul veut clore le passé et tirer un trait sur Didier, le père d’Eric. Annette fuit l’alcool accompagné de la main lourde de Didier. Une fuite et un refuge auprès de Paul. A la ferme, Paul habite avec sa sœur Nicole et ses deux oncles de plus de 80 ans. Un lieu où Nicole et les deux oncles ont des habitudes bien ancrées. Il faut leur faire accepter la venue d’Annette qui a un fils. Paul ne cèdera pas dans cet affrontement de silence et d’attitudes. Pour Annette, c’est une nouvelle vie dans un nouveau lieu. Elle et Eric découvrent la ferme mais sans jamais s’aventurer sur le terrain bien gardé de Nicole. Paul et Annette « s’apprennent », s'acceptent tels qu’ils sont.

    J’ai lu ce livre en apnée totale ! Moi qui aime les phrases courtes, concises, et bien, j’ai été plus que séduite par l’écriture de Marie-Hélène Lafon. Une écriture qui se joue des codes et de la ponctuation. Une écriture qui décrit les silences, les tabous, la ferme et la dureté d'un milieu.
    Avec ce roman, l'auteur a su recréer l’ambiance d’une France rurale pas si lointaine où l’on parlait peu. Et elle nous parle de plusieurs amours : celui d'un métier et de celui qui naît entre un homme et une femme...Une magnifique découverte !


  • Conseillé par
    17 mai 2010

    Dans une campagne immuable, Annette, femme encore jeune, et son fils, Eric, essaient de prendre racine. A la suite d’une annonce à laquelle elle a répondu, Annette, en effet, a fait connaissance de Paul, paysan installé dans un hameau du Cantal, pris dans l’écheveau des terres, des bêtes et d’une famille qu’il n’a pas choisi mais avec laquelle il a appris à composer : Nicole, sa sœur, et ses deux oncles octogénaires. Mais Paul, même s’il sait que personne ne reprendra l’exploitation après lui, refuse de se passer de la douceur d’une femme pour vivre à ses côtés, l’accompagner, partager avec lui les longues nuits d’été, les repas de famille, les joies et les soucis. Quelques rencontres avec Annette ont suffi pour qu’ils comprennent qu’entre eux une forme de compagnonnage était possible. Et promptement, elle a déménagé de son Nord natal pour venir s’installer à la ferme.
    L’annonce est le récit de cette arrivée, ou plutôt de cette greffe, dont on se demande à chaque page si elle va prendre, tant pour la mère que pour l’enfant qui doivent faire face à une hostilité plus ou moins larvée, à des usages inconnus, à des rites implicites. La description des paysages, des habitudes et des personnages fait sentir au lecteur cette terre aride, difficile à apprivoiser, qui recèle dans ses plis des beautés simples mais aussi une certaine sauvagerie, tapie au creux des bois et des champs, prête à bondir. Il y a de très beaux passages – l’orage, la nuit, les jeux d’Eric avec Lola, la chienne de la ferme – écrits dans un style précis, riche, affûté, parfois jusqu’à l’excès…

    Je sais que beaucoup sont unanimes pour considérer ce roman comme une réussite. Pour ma part, je l’ai trouvé inégal. A cause du style, justement, qui enferme le récit dans un corset de mots sophistiqués à l’extrême quand il faudrait mettre, ici et là, une certaine simplicité : Le fils des Vidal de Soulages, écrasé à vingt-deux ans par son tracteur neuf renversé sur une pente cent fois pratiquée en d’usuelles circonstances… Pour le coup, je les trouve plutôt aggravantes, les circonstances… Plusieurs fois, l’envolée d’une description poétique finit par retomber lourdement en stéréotype : le paysan taiseux, la vieille dame digne à chignon, la sœur vieille fille et aigrie, le gamin qui se tait mais qui n’en pense pas moins. Enfin, j’ai été gênée dans ma lecture par un tic d’écriture qui revient une dizaine de fois au moins : les bouchées faisaient bosse le long des cous maigres (p86), une femme faisait besoin à Fridières (p43), la grange était vaisseau (p62), ils ne donnaient pas peine (p59), les toits du Jaladis faisaient repère (p67), le vain désir de faire famille (p97). Cette absence systématique d’article avant le mot, lue une fois ou deux, peut « faire patois » (!) mais après cinq ou six occurences, ça « fait style »…

    Malgré ces réserves, j’ai trouvé cette histoire sobre et touchante. L’auteur y déploie le portrait clairvoyant d’une vie paysanne traversée de réflexes millénaires, où se déploie une intelligence muette entre les hommes, les bêtes et la nature et d’où les tiraillements créés par la modernité ne sont pas absents.


  • Conseillé par
    17 mai 2010

    L'annonce - Marie-Hélène Lafon

    D’une très belle écriture, Marie- Hélène Lafon raconte l’histoire d’une rencontre, par annonce interposée. Annette, récemment séparée de Didier, le père d’Eric, habitant Bailleul dans le nord, désireuse de recommencer sa vie. Paul, paysan à Fridières, dans le Cantal, à la cherche de quelqu’un qui accepterait de vivre avec lui. Une ren­contre puis la décision de vivre ensemble, l’arrivée d’une étrangère et de son fils dans cette famille où vivent Nicole, la soeur, et les deux oncles octo­génaires. Relever le défi d’être accep­tée par la tribu. Oublier les contours de l’histoire du nord pour mieux recom­mencer. Les voici, comme deux étran­gers, tombés dans un pays où les mots manquaient pour dire la beauté de la nature au printemps. « C’était de tout temps cette confluence de juin, ce ras­semblement des forces, lumière vent eau feuilles herbes fleurs bêtes, pour terrasser l’homme, l’impétrant, le bipède aventuré, confiné dans sa peau étroite, infime. » M.-H. Lafon a l’art d’évoquer une terre, un pays mais aussi de saisir chacun dans sa personnalité ; par petites touches les relations se tis­sent, les difficultés se manifestent, naît l’apprentissage d’une vie commune au milieu de laquelle la parole fait son che­min. Ainsi s’exprime le désir de vivre malgré tout, de prendre soin de ces liens qui font la vie, pour tourner la tête vers l’avenir. Eric ouvre le chemin lorsqu’il surprend et se surprend à lais­ser les phrases rouler, « s’avançant en terrain nu et neuf ». Une invitation pour Annette à risquer les mots, des mots collés tout au fond d’elle. Annonce d’une histoire, histoire d’une vie.

    Franck Delorme -Rédacteur en chef de la Revue ETUDES